Analyse - gravure du tome II

L’unique illustration que comporte le tome II des Nouvelles Nouvelles (à la différence des autres tomes, qui en comptent chacun deux) représente les nouvellistes en action, tantôt réunis en pelotons pour échanger des nouvelles, tantôt prêtant une oreille indiscrète à des affaires qui ne les regardent pas. Cette gravure introduit la nouvelle éponyme, “Les Nouvellistes”, récit cadre de la seconde et de la troisième partie des Nouvelles Nouvelles.

Analyse

La scène se situe dans la Grande Salle du Palais (reconstruite par l'architecte Salomon de Brosse en 1622, suite à l'incendie de 1618), envahie par une foule hétérogène (un galant, une coquette, des prêtres, des magistrats…).

 

Dans la partie inférieure gauche, l’inscription « I. Nouvelistes » permet, par le pastiche d’un système de renvoi savant, d’identifier, dans la partie milieu-gauche de la gravure, un peloton de nouvellistes, qui constitue le centre de gravité de la composition. De ce peloton essaiment des nouvellistes qui, disséminés dans la salle, sont prêts à récoltes les nouvelles qu’ils pourront ensuite débiter. Certains espionnent les magistrats, d’autres, les galanteries.

On distingue particulièrement au premier plan un « nouvelliste écoutant », qui s’inscrit dans une composition triangulaire au sein de laquelle entrent également les deux chiens qui paraissent de part et d’autre fondre sur le groupe d’individu plongé dans une conversation. Cette évocation invite à assimiler les nouvellistes à des chiens de chasse, prêts à fondre sur leur proie, en l'occurrence n’importe quelle personne à même de détenir des informations.

Les oculi (ou oeils-de-boeuf), percés dans la voûte de la salle, pourraient être interprétés comme des éléments problématisant la question de l’information même : ouverts, comme ceux qui ornent les travées, ils symbolisent d’abord sa transparence lorsqu’elle est énoncée de première main ; grillagés, comme ceux qui décorent le tympan, au loin, ils rappellent l’aveuglement, l’une des principales caractéristiques attribuées aux nouvellistes. Ils figurent ainsi l’impossible accès à la vérité de l’information, en raison de la déformation du propos qu’occasionne sa prise en charge par les nouvellistes :

“de vingt personnes qui disent une nouvelle en un même jour, pas une ne s’accorde et ne la dit de même. Il n’y a que le sujet de la nouvelle en quoi ils se rapportent, mais pour les circonstances, chacun a les siennes à part, ce qui fait que la vérité ne pourrait être connue quand il y en aurait même qui la diraient.” (t. II, p. 264).

L’échec de cette quête de la vérité est souligné par le mouvement de la foule qui se dirige vers la sortie de la Grande salle, au-dessous des oculi grillagés.

(Analyse inconographique réalisée par Barbara Selmeci Castioni)

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