Opposition raison - sentiments
De nombreux textes produits au sein de la culture mondaine exploitent le motif traditionnel de l’opposition entre raison et sentiments, en s’attachant tout particulièrement à la description des rôles respectifs de l’esprit et du cœur dans les relations amoureuses.
La réflexion peut parfois prendre la forme explicite d’un débat personnifié :
dans ses Amitiés, amours et amourettes (1664), René le Pays propose un “Dialogue de l’amour et de la raison”. L’amour et la raison, se trouvant tous deux chez une dame nommée Caliste, se demandent s’il sera possible de s’accommoder, mais n’y parviennent pas. L’auteur conclut qu’il y aurait pourtant eu à espérer que chez une personne si agréable le cœur puisse devenir raisonnable et la raison amoureuse.
l’abbé de Torche est l’auteur d’un Démélé de l’esprit et du cœur (1667), qui décrit la situation délicate de celui dont la raison et le cœur prennent des partis opposés en matière amoureuse. Envoyant son texte à une dame, il lui écrit : « je souhaiterais qu’à mon égard vous ignorassiez toute votre vie ce que c’est. Faut-il vous faire connaître qu’ils sont quelquefois brouillés ensemble ? On ne sait qui des deux a tort/Ni celui qu’il faut qu’on caresse/Le plus sûr est, Iris, de les mettre d’accord/,Mais il faut pour cela plus d’amour que d’adresse.”
Signe de l’émulation que fait naître ce texte, un certain Allius répond, à peine un an plus tard, par L’Accommodement de l’esprit et du cœur à Monsieur De Torche. Le divorce entre galanterie et amour y est prononcé. Le texte conclut :
“Quand Esprit et Cœur seront réciproquement estimés et aimés de la personne qu’ils auront choisi, il sera permis à l’esprit d’avoir des conversations galantes et spirituelles avec la personne qu’il estime sans que l’amour y soit mêlé en aucune façon et sans qu’il puisse s’en fâcher s’il le sait […] Le Cœur pourra passer des journées avec l’objet de son amour sans dire quoi que ce soit de galant ni de spirituel et seulement à lui protester qu’il l’aime et cela plutôt par les yeux que par la bouche, par le silence que par les paroles et par le cœur que par l’esprit”.