Conversation des nouvellistes
La “Conversation des nouvellistes” est une longue pièce d’une soixantaine de pages, insérée au tome II des Nouvelles Nouvelles (p. 223-285). Elle constitue la structure d’encadrement d’une petite vingtaine de bons mots et d’anecdotes de divers formats mettant en scène des caractères de nouvellistes.
Rencontres et bons mots
Les historiettes que s’échangent les nouvellistes à l’occasion de cette conversation
sont du même type que les bons mots et les brèves narrations que l’on trouve dans les
recueils d’anecdotes morales à la manière des Heures de récréations traduites de
Guichardin (1606) ou les contemporaines Histoires facétieuses et
morales (1663), ainsi que dans les recueils humoristiques, tels que Les
Contes aux heures perdues d’Ouville (1643) ou Le Courrier
facétieux (1650, réédité en 1668). On pourrait aisément en proposer une table
des matières sur le modèle de ces ouvrages. [déplier] Bourgeois
qui voulait apprendre des nouvelles [224-228]
Naissance du dauphin
[230-235]
Les nouvellistes du Palais [236-237]
Grand nouvelliste
[238-239]
Nouvellistes chantant [239-241]
Fâcheux nouvelliste
[241-243]
Peloton de nouvellistes [243-245]
Le Cheval de bronze
[245-246]
Suite du fâcheux nouvelliste [247-250]
Fausse nouvelle
[250-251]
Autre fausse nouvelle [251-252]
Guérir du nouvellisme
[252-254]
Fausse nouvelle vendue [254-256]
Copiste [256-258]
Le
secret de l’oeuf [258-263]
Commentaire du précédent [263-266]
Compter les
nouvelles sur les doigts [266]
Manque de fiabilité des nouvellistes [266]
Bon mot sur les nouvellistes [266-267]
Nouvelliste fou [267-269]
Autres
bons mots sur les nouvellistes [269-270]
Seul “Le secret de l’oeuf” présente une configuration différente. Plus proche de la forme et du mode narratif du conte, il aura été introduit pour des raisons différentes, auxquelles son lien avec la tradition fabuliste (voir ci-dessous) n’est sans doute pas étrangère.
Sources
L’origine de la plupart de ces anecdotes est bien évidemment inconnue. Il peut s’agir de faits divers observés par Donneau de Visé, de bons mots qui circulent oralement dans les cercles mondains, de brèves narrations reprises et adaptées aux nouvellistes, …
On peut toutefois identifier la source deux d’entre elles :
Le “fâcheux nouvelliste”, dont la narration est répartie entre les p. 241-243 et p. 247-250, est une réécriture de la satire IX d’Horace (Ibam forte via sacra), qui est aussi à l’origine des Fâcheux de Molière.
“L’Histoire de l’oeuf” reprend la fable d’Abstémius (début du XVIe siècle) intitulée “L’homme qui avait dit à sa femme avoir pondu un oeuf”, pour laquelle les recueils de Guichardin notamment constituent un relais depuis le XVIe siècle. La Fontaine reprendra cette narration en 1668 dans la fable “Les femmes et le secret”.
Structure d’encadrement
Version miniature de la nouvelle des “Nouvellistes” qui informe la seconde et la troisième partie des Nouvelles Nouvelles, cette “Conversation des nouvellistes” fait office véritablement de structure d’encadrement et d’énonciation qui permet de lier entre elles les divers anecdotes racontées.
Si le dialogue encadrant ne consiste parfois qu’à relier le propos avec ce qui le précéde (“Tout ce que nous avons dit […] n’égale point…”, p. 252, “A propos de”, p. 269), il permet à d’autres occasions la mise en oeuvre de procédés intéressants. La conversation
fournit l’occasion de commenter la réception, et de produire des réflexions sur
l’historiette qui vient d’être racontée. [développement] -Au
terme des deux premières anecdotes, le narrateur intervient pour proposer des
conclusions : “dans la première nous avions appris l’insupportable et ridicule
avidité qu’ont de certaines gens d’apprendre des nouvelles, et dans la seconde
la facilité avec laquelle plusieurs nouvellistes les croient et les serments
dont ils se servent sans scrupule pour assurer une fausseté.” (p.
235-236)
-Le narrateur relève combien le caractère de “nouvelliste”
est répandu. (p. 246).
-Parfois, la réflexion se présente en
introduction, et l’historiette est donnée en guise d’exemple, comme à la p. 250.
-“Les femmes et le secret” donne lieu à un développement sur le
manque de fiabilité des nouvelles (p. 263).
permet de mettre en scène un bon mot à l’intérieur même du propos, et de
satiriser les nouvellistes qui le tiennent. [développement]
-Ariste est raillé par les autres nouvellistes, qui le soupçonnent d’être le
protagoniste de son récit (p. 228.)
conformément au topos satirique de
l’aveuglement de soi, les nouvellistes raillent d’autres nouvellistes sans
prendre conscience de leur propre caractère de nouvelliste. Ils vont jusqu’à se
quereller entre eux pour savoir qui est le plus nouvelliste (p. 245). Clorante
en vient même à dire qu’il n’y a pas de plus importun que les nouvellistes (p.
250).
En guise de conclusion à cette conversation, le narrateur
raille “trois ou quatre nouvellistes qui raillaient tous les nouvellistes sans
savoir qu’ils étaient du nombre et qu’ils se raillaient même l’un l’autre sans
s’en apercevoir” (p. 271).