Fouquet
Nommé surintendant des finances en 1653 par Mazarin, Nicolas Fouquet est destitué et emprisonné au début septembre 1661 par le jeune Louis XIV. La chute soudaine d’un homme d’affaires qui rivalise en puissance avec le roi, mais également de l’un des principaux mécènes de France, constitue l’un des traumatismes politiques et sociaux majeurs des années 1660. Son long procès (jusqu’à fin 1664) sera le déclencheur de plusieurs scandales tels que celui des “Fouquetleaks”.
Le choc d’une arrestation
La magnitude du choc provoqué par la chute de Fouquet doit se comprendre à l’aune de plusieurs paramètres :
Bien que lui-même et ses proches aient pressenti la fragilité de sa position dès le milieu de l’année 1661, l’arrestation, le 5 septembre, surprend tout le monde.
Il s’agit d’un des plus puissants hommes de France, au sommet de la hiérarchie de l’Etat, disposant d’un pouvoir quasiment illimité sur les finances royales. Le réseau de sa clientèle est extrêmement étendu. Sa chute implique des redistributions d’influences et d’alliances à la cour, et constitue une grave menace pour ses amis.
Tout au long de l’exercice de sa charge, Fouquet soutient de très nombreux hommes de lettres. Scudéry, Pellisson, Perrault, Corneille, Molière (qui crée pour lui sa comédie des Fâcheux), pour n’en citer que quelques-uns, sont des clients du surintendant. Il finance également des activités telles que les Conférences académiques de Richesource. Les pensions de certains de ces écrivains dépendent directement du surintendant, qui leur offrait, en outre, des conditions de productions particulièrement intéressantes et les intégrait dans les hautes sphères sociales.
Ce renversement brutal d’une situation auparavant si brillante est perçu comme un revers de fortune extraordinaire et traumatisant par ses contemporains. Les années 1660 sont ainsi marquées par cet événement prodigieux, comme en témoignent les Nouvelles Nouvelles, dans le cadre de la “Conversation des soupçons”, lorsque l’on commente
[Ce que] la Fortune a fait voir en ce pays, et […| vous savez qu'elle a
fait [dans ce cas précis] des choses dont les exemples sont peu fréquents dans les
histoires, et même dans celles où elle a le plus de part […]
(t. II, p. 22)
Un procès à scandales
Affaire éminemment publique du fait des nombreux factums et pièces diverses rédigés pour sa défense par Fouquet et ses amis, le procès crée plusieurs scandales : mise au jour des mécanismes frauduleux du système financier, nombreux vices de procédures envers l’accusé, … Les Nouvelles Nouvelles gardent la trace de deux de ces affaires survenues au cours de la procédure :
Les révélations, par Fouquet, des tentatives d’ententes illicites entre Mazarin et Cromwell, pour évincer les rois de France et d’Angleterre de leurs trônes (Voir t. II, p. 105).
Le dévoilement des nombreuses liaisons amoureuses que le surintendant entretenait avec des dames de qualité, et le tort provoqué à la réputation de celles-ci, scandale que nous qualifions de Fouquetleaks. La “Conversation des soupçons” s’inscrit précisément dans les débats qui entourent cette affaire.
En outre, les péripéties de la nouvelle de « La Prudence funeste », au t. I des Nouvelles Nouvelles, sont conçues comme un écho des éléments marquants du procès du surintendant, tels que le public pouvait les percevoir : les accusations de crime d’Etat auxquels doivent faire face les personnages (Démocrate aussi bien que Sestianès), l’attention aux étapes de la procédure (enquêtes, dépositions, témoignages, actes d’accusation), les descriptions des états d’âmes des accusés, le jeu des points de vue oscillant des victimes aux criminels, nourrissent la fascination que l’affaire des Fouquetleaks a créée pour les exactions commise en plus haut lieu et leurs conséquences judiciaires.