Parasite
Les textes du XVIIe siècle à caractère satirique (comédies, romans, fables, épigrammes et bien sûr satires) recourent fréquemment à la figure du parasite, en se fondant sur le modèle qu’avaient établi les comédies de Plaute et de Térence. Hôte invité à la table d’une personne plus riche, à qui il offre en contrepartie une présence récréative, le personnage représente le plus souvent un avatar du bouffon. Les nouvellistes des tomes II et III des Nouvelles Nouvelles, qu’Arimant a conviés à dîner dans le but de se divertir, ne dérogent pas à la règle.
Le parasite se caractérise par son comportement intrusif, sa loquacité, sa voracité, mais surtout par son avidité insatiable, qu’il s’agisse de nourriture ou de savoir, si superficiel soit-il. C’est ainsi qu’il est souvent associé à la figure du pédant, ou encore du “bel esprit” : Hortensius dans le Francion (1623) et Gastrimargue dans Polyandre (1648) de Sorel, le Parasite mormon dans le texte éponyme (1650) attribué à Sorel et à La Mothe Le Vayer fils, Fripesauces dans Le Parasite (1654) de Tristan L’Hermite, etc.
Parasitisme et nouvellisme
Dans les Nouvelles Nouvelles, la présence du motif parasitaire se remarque dans deux cas différents.
Lisimon le représente d’abord dans sa forme traditionnelle de glouton qui manque de savoir-vivre : il « mangeait comme quatre sans proférer une seule parole » (tome II, p. 84) et « avait toujours mangé sans nous dire mot » (tome II, p. 106).
Clorante et Ariste incarnent en revanche une forme « moderne » de parasitisme, puisqu’ils ne sont plus avides de nourriture, mais bien de nouvelles. C’est en quelque sorte une forme dévoyée de gloutonnerie, qui va même jusqu’à exclure l’appétit pour la nourriture :
“Cependant Arimant, qui avait fait servir, nous pria de nous mettre à table, ce que nous fîmes, à la réserve de Clorante, que l'on ne put arracher de dessus le papier qu'Ariste lui venait de donner jusqu'à ce qu'il eût achevé de le lire” (tome II, p. 79)
« L’autre vidait ses poches au lieu de manger et pestait de ne pas trouver assez promptement ce qu’il cherchait ; et le dernier, loin de songer qu’il était à table, cherchait à nourrir sa curiosité plutôt qu’à se nourrir lui-même. Il dévorait des yeux tous les papiers d’Ariste » (tome II, p. 84)
« Ils en demeurèrent tous d'accord et furent plus aises de voir lever la nappe qu'un parasite n'aurait été de la voir mettre. » (tome II, p. 130)
« Ce n'est pas, ajouta-t-il, que je m'attache beaucoup ni aux unes ni aux autres, j'en connais qui les aiment plus que moi et avec un tel emportement qu'ils en perdent le boire et le manger, et qui se rendent, par l'avidité qu'ils montrent d'apprendre quelque chose de nouveau, ridicules » (tome II, p. 220)
Passages qui font écho à une observation similaire dans la Célinte des Scudéry, dont le prologue est consacré à la question de la curiosité :
« Une amie […] qui n’aura jamais d’embonpoint, parce qu’elle est trop
curieuse ».
Célinte (1661), p. 47
Donneau de Visé se réapproprie ainsi un motif satirique classique, ce qui lui permet de donner richesse supplémentaire au traitement de la curiosité qu’il élabore en se servant de la figure du nouvelliste.