Réception des Nouvelles Nouvelles
Au moment de leur parution comme à moyen terme, les Nouvelles Nouvelles reçoivent divers types d’échos dans les publications contemporaines. Leur parution s’accompagne d’une campagne publicitaire qui semble soigneusement orchestrée, tandis que, dans les années qui suivent, on constate la reprise de certaines pièces dans des recueils.
La publicité autour des Nouvelles Nouvelles
Outre les références que Donneau de Visé fait lui-même à ses Nouvelles Nouvelles dans ses productions personnelles, la promotion de l’ouvrage est assurée par trois auteurs au moins, au premier rang desquels les gazetiers Loret et Robinet, à qui Donneau de Visé avait justement adressé un compliment appuyé dans ses Nouvelles Nouvelles (t. II, p. 216) :
Loret, dans sa Muse historique (17 février 1663, v. 229-255),
réserve une long développement aux Nouvelles Nouvelles. On rappellera
qu’il est rare que la Muse historique fasse la promotion d’un livre.
[voir le passage] Il court un livre de nouvelles,
Nommé les Nouvelles Nouvelles,
Livre, certes, très
inventif,
Fort plaisant et récréatif,
Et dont une plume
excellente,
(Mais plus critique qu’indulgente)
Et des plus fines d’à
présent,
A fait, aux curieux, présent.
Cette plume, des plus
artistes,
Entreprend fort les nouvellistes
D’État, de Parnasse et de
cour ;
Je ne l’ai que depuis un jour,
Et n’en ai lu que trente pages
:
Mais je crois qu’entre les ouvrages
Qui depuis dix ans ont
paru,
Cetui sera des mieux couru ;
Car cet auteur-là dit,
lui-même,
Que, par une manie extrême,
Le siècle aime mieux les
censeurs,
Que les livres pleins de douceurs,
C’est-à-dire plus les
critiques,
Que les doctes et politiques :
Et ce qui le livre
susdit
Mettra, sans doute, en haut crédit,
C’est que dans ce peu de
lecture
Que j’en ai fait à l’ouverture,
Je m’imagine et je
m’attends
Qu’il doit être un tableau du temps.
En pleine "querelle" de L’Ecole des femmes, Robinet, dans son
Panégyrique, assure, dans un long passage, à la fois la promotion
de l’ouvrage et celle de son auteur [voir le passage] [Face à
d’Aubignac] il s’est trouvé un petit David qui a fait si vigoureusement claquer
sa fronde contre lui qu’il l’a bientôt obligé à rengainer sa bravoure
pédantesque, sans que le Grand Ariste ait eu besoin de se mettre en aucune
manière sur la défensive.
BÉLISE.
Qui est donc ce petit David que
vous faites passer pour un si vigoureux assaillant ?
LIDAMON.
Comment ! Vous ne connaissez pas ce jeune auteur qui a fait entre autres choses,
les Nouvelles Nouvelles où il a joué tout le monde, sans en excepter le Grand
Ariste !
BÉLISE.
Ah je sais qui il est, et je me ressouviens
qu’il s’est baptisé de ce nom de petit David dans sa Défense de
Sophonisbe. Il a tout à fait de l’esprit, mais c’est un censeur un peu
trop raffiné : car dans sa Réponse aux Remarques de Philarque sur
Sertorius, il s’est avisé de faire mystère des monosyllabes d’un
sonnet, ne considérant pas qu’ils peuvent entrer en la composition des plus
beaux vers, et que le grand ouvrage du monde n’est qu’un assemblage d’atomes,
qui produit néanmoins une merveilleuse harmonie.
PALAMÈDE.
En
effet, cette critique est des plus transcendantes. Mais, Lidamon, vous êtes mal
informé quand vous dites que Philarque a cessé d’écrire. J’ai su qu’ayant de
nouveau taillé sa plume, il avait déchiqueté l’Oedipe, et que son
dessein était de traiter ainsi tous les autres poèmes dramatiques du grand
Ariste, sans faire semblant d’entendre claquer la fronde du petit David, qu’il
a, dans ses Remarques, métamorphosé en grenouille des marais du Parnasse, avec
tous ceux qui se sont mêlés de la défense du grand Ariste.
CÉLANTE.
Cette sorte de métamorphose est plus facile que dangereuse. Nous
avons le même pouvoir que lui de métamorphoser ainsi les gens et nous le
métamorphoserons en crapaud. Aussi bien a-t-il assez de venin pour tenir sa
place parmi ces vilains reptiles. Laissez faire, nous aimons le grand Ariste,
nous nous souvenons du Cid qui nous a tant charmées, et de toutes
ses autres miraculeuses pièces qui ne sont pas moins les délices de nos cabinet
que des théâtres. Nous aimons pareillement son défenseur, de qui nous attendons
des réparties à le faire désespérer.
(p. 38)
En 1664, la Bibliothèque française de Sorel accueille les Nouvelles Nouvelles ainsi que Les Soirées des auberges (nouvelle parue au sein du recueil Les Diversités galantes) pour en faire la promotion [citation] On ne saurait parler avec ceci de rien plus nouveau que des Nouvelles Nouvelles, et de celles des Soirées des Auberges, et de quelques autres histoires qui les accompagnent. La nouveauté plaît toujours en ces sortes de choses, mais elle plaît davantage quand elle est accompagnée d’agréables inventions comme on en trouve ici. Par ce moyen, les nouvelles qui auront été racontées il y a longtemps paraîtront encore nouvelles à une longue postérité. (p. 161-162
Circulation des textes des Nouvelles Nouvelles
On dispose de quelques traces de la circulation des pièces publiées au sein des Nouvelles Nouvelles.
L’exemple le plus frappant est la reprise de la « Réponse à l’Elégie du soupir » dans le recueil des Délices de la poésie galante, publié par le libraire Ribou en septembre 1663 (p. 184sq). Elle y est imprimée à la suite d’une “Elégie du soupir” (« À Philis, sur ce qu’elle avait défendu à Tirsis de soupirer »), portant la signature de Somaise, à laquelle elle répond.
Cette même « Réponse à l’Elégie du soupir » sera à nouveau publiée, avec quelques légères modifications, dans les Sentiments d’amour tirés des meilleurs poètes modernes (1671) de Corbinelli (p. 204 à 210).
En 1668, le “Jaloux par force”, nouvelle parue pour la première fois au tome III des Nouvelles Nouvelles, est imprimé sous une adresse fictive dans un recueil qui contient également “La Chambre de justice de l’Amour” d’auteur inconnu et une “Relation d’une revue des troupes de l’Amour” de Mademoiselle Desjardins.
La même année, on trouve une édition de cette même nouvelle, traduite en anglais par un certain N. H., et publié sous le titre de “The Husband forc’d to be jealous”.
En juillet 1685, L’Extraordinaire du Mercure galant publie un traité du style épistolaire d’un certain La Févrerie. Pour exemplifier l’un de ses propos, il rappelle une scène des nouvellistes figurant au t. II, p. 282-288. [citation] Cet endroit de la civilité française [l’affectation ridicule de certains épistoliers à plier et cacheter luxueusement leurs lettres] me fait souvenir de cet autre des Nouvelles Nouvelles, où deux prétendus beaux esprits disputent s’il faut mettre la date d’une lettre au commencement ou à la fin. L’un répond, et peut-être avec esprit, qu’aux lettres d’affaires et de nouvelles, il faut écrire la date au haut parce qu’on est bien aise de savoir d’abord le lieu et le temps qu’elles sont écrites, mais que dans les lettres galantes et de compliments, où ces choses sont de nulle importance, il faut écrire la date tout au bas. Mais ils font encore une autre question, savoir s’il faut écrire de Madrid ou à Madrid, et l’un d’eux la résout assez plaisamment, en disant qu’il ne faut mettre ni à ni de, mais seulement Madrid et que c’est de la sorte que le pratiquent les personnes de qualité. (p. 9-10)
Réutilisations du frontispice
Le frontispice des Nouvelles Nouvelles qui, lui-même, résulte peut-être de la reprise d’une ancienne gravure, se retrouve à la tête de deux ouvrages postérieurs :
Moins d’une année après la parution des Nouvelles Nouvelles, la première édition des Délices de la poésie galante reprend la gravure à l’identique pour son frontispice, sans même modifier les titres des pièces indiquées. Il s’agit donc probablement du recyclage d’un excédent de gravures déjà imprimées, ce d’autant que l’éditeur du recueil est Jean Ribou, qui avait déjà été associé à la publication des Nouvelles Nouvelles.
En 1690, un ouvrage de Pierre Ducamp, Satires ou réflexions sur les erreurs des hommes et les nouvellistes qui paraît chez Quinet reprend à nouveau cette gravure. Certains titres figurant sur l’image sont, cette fois-ci, adaptés au nouvel ouvrage, et une inscription, annonçant “Les Nouvellistes du temps” y est ajoutée.