Grimace
A partir du milieu du XVIIe siècle, la grimace, motif souvent exploité par des satiristes comme Régnier et Scarron, se décline de deux manières distinctes. La grimace est d’abord la déformation du visage du bouffon lorsqu’il se divertit, s’emporte ou se concentre. Mais, dans la plupart des textes, elle sert surtout à définir les mimiques faciales de quelqu’un qui veut dissimuler ou travestir sa nature. Dans les deux cas, il s’agit pour les auteurs de tourner en dérision un comportement ridicule.
La grimace involontaire du personnage scurrile est surtout évoquée dans les textes
satiriques ou burlesques.
[exemples] « Encor dans le Palais est-il plus ridicule, / De
corps, de bras, de tête, il plaide, il gesticule, / Il s’échauffe, il s’agit, et bave
en grimaçant » (Furetière, “Déjeuner d’un procureur”, Satire IV)
« Sans en
faire semblant j’observe leur grimace. / Tantôt il s’applaudit, tantôt il se repend, /
[…] Le jeu se continue avec même grimace. » (Furetière, “Le jeu de boules des
procureurs”, Satire V)
« En vain par sa grimace un bouffon odieux / A table
nous fit rire et divertit nos yeux. »
(Boileau, “Epître IX”, v.
105-106)
La grimace qui dissimule et falsifie prend une importance nouvelle sous l’impulsion de Molière et des différents traitements qu’il en propose dans ses comédies. Avant de devenir le signe distinctif des imposteurs (les faux dévots, puis leurs homologues médecins : “tout leur art est pure grimace”, selon Don Juan, sc. III, 3), ce trait de comportement avait constitué la caractéristique des fausses prudes qui, à la suite de leur apparition dans La Critique de L’Ecole des femmes (Climène) et dans Le Misanthrope (Arsinoé), avaient représenté le modèle de la conduite hypocrite à l’époque de la rédaction et de la diffusion des Nouvelles Nouvelles.
Mais avant cela, c’est surtout le principe de l’affectation (radicalement opposé à l’idéal de naturel), qui, dès Les Précieuses ridicules, avait imposé le type de la « façonnière », dont les traits saillants seront rappelés dans une tirade de La Critique de L’Ecole des femmes[citation] “Il semble que tout son corps soit démonté, et que les mouvements de ses hanches, de ses épaules et de sa tête n'aillent que par ressorts. Elle affecte toujours un ton de voix languissant et niais, fait la moue pour montrer une petite bouche, et roule les yeux pour les faire paraître grands.” (sc. II)
Ce modèle marquera durablement l’imaginaire des contemporains et sera exploité par Donneau de Visé :
« C'est ce qui fait que les belles gagnent souvent plus de cœurs en
badinant qu'en affectant de paraître sérieuses, qu'en se redressant et qu'en se
contrefaisant par une infinité de grimaces qui donnent souvent sujet de les railler.”
(Nouvelles Nouvelles, tome II, p. 167)
ainsi que par ceux qui, tout au cours de la décennie, devront dénoncer l’absence de naturel :
« C’est dommage qu’elle n’ait pas été nourrie à la cour ou chez des gens de
qualité, car elle eût été guérie de plusieurs grimaces et affectations bourgeoises qui
faisaient tort à son bel esprit. »
(Furetière, Le Roman bourgeois,
1666)
« Tout ce qui sent l’étude ; tout ce qui a l’air de contrainte la choque, et un
style affecté ne lui déplaît guère moins [à la langue française] que les fausses
précieuses déplaisent aux gens de bon goût avec toutes leurs façons et toutes leurs
mines. »
(Bouhours, Entretiens d’Ariste et d’Eugène, 1671, p.
54)