Récitateur importun
On peut qualifier de motif du “récitateur importun” une scène type largement représentée et commentée dans la littérature des années 1650-1680. Son occurrence la plus célèbre est la scène du sonnet d’Oronte dans Le Misanthrope (I, 2).
Un individu vient se proposer pour effectuer la lecture à haute voix d’un texte inédit de création littéraire auquel il attribue une valeur exceptionnelle. Le texte est parfois une oeuvre personnelle, parfois une réalisation d’autrui. Le public destinataire est le plus souvent une assemblée dont le récitateur est familier, mais il arrive que celui-ci s’adresse au premier venu qui s’est trouvé sur son chemin. Dans tous les cas, la démarche met dans l’embarras l’auditeur involontaire, qui tente par tous les moyens de se débarrasser de l’importun tout en évitant de lui infliger un affront.
La représentation de cette situation connaît une grande faveur, dans la mesure où elle met en scène et problématise le mode de consommation de la littérature privilégié dans la culture mondaine du second XVIIe siècle : le comportement d’inconvenance et d’opiniâtreté du récitateur importun, focalisé sur les enjeux individuels de la transmission littéraire, met en cause le principe de sociabilité qui supporte tout l’édifice des valeurs. Il s’agit par conséquent d’une scène très fréquemment traitée sur le mode de la satire et, à ce titre, elle figure en bonne place dans la comédie des Fâcheux de Molière (sc. I, 3).
Le motif du “récitateur importun” est développé à trois reprises dans les Nouvelles Nouvelles :
au tome II, p. 8-14, le nouvelliste Straton vient faire la lecture enthousiaste et inopportune de l’élégie de la prisonnière ;
au tome II, p. 241-243 est brièvement évoqué l’exemple d’un nouvelliste de Parnasse qui tient à connaître l’avis de ses pairs sur un madrigal qu’il a composé ;
au tome III, p. 170 est racontée une rencontre avec un lecteur de sonnet insistant.